Elle : toutes mes condoléances Safi.

Moi : pourquoi donc grande sœur? un truc est arrivé à mon père?

Elle : Désolée petite sœur, ton père est décédé.

Très cher Ahmed,

3 ans aujourd’hui que la vie t’a arraché à ta famille, ta progéniture ; 3 ans que par un après-midi, sans vraiment m’y attendre j’ai reçu ce message de ta nièce sur messenger m’annonçant d’une façon particulière que tu venais de nous quitter. 3 ans que j’ai senti le sol s’écrouler sous mes pieds, et pour la première fois je me sentais ébranlée. 3 ans que j’ai essayé de te joindre sans succès pour finalement entendre la voix de ton frère au téléphone me demandant d’être forte. 3 bonnes années où je me revois dans cette situation d’impuissance, désemparée, et folle à l’idée de ne pas te voir, te serrer dans mes bras. 3  foutues années que mon cœur a comme marqué un arrêt cherchant la meilleure manière d’annoncer à l’amour de ta vie et à ton fils que tu étais parti, qu’une crise cardiaque ne t’a pas laissé le temps d’arriver à l’hôpital pour avoir des soins, et pourtant tu venais de prier le créateur. 3 ans,  et j’ai encore l’impression  que c’est hier.

Je me rappelle de ce sourire sur ton visage quand j’ai parcouru des milliers de kilomètres pour venir te retrouver (oui je suis aussi déterminée que toi quand je le veux) 🙂; tu as ouvert tes bras et tu m’as accueilli ; tel quelqu’un qui venait de retrouver son trésor perdu, tu t’es excusé, tu m’as dit que tu m’aimes et toutes mes barrières sont tombées. Je venais à 15 ans de ressentir l’amour du père, non pas parce que tu ne me le montrais pas, mais plutôt à cause de mes ressentis envers ta personne.

Je m’exprime que pour moi, car le reste de la fratrie n’a peut-être pas le même ressenti, et je me retiens de parler à leur place. Le fait de n’avoir pas eu d’explication qui tienne la route pour me faire comprendre le pourquoi tu as rejoins le pays quand j’avais 2 ans ou 2ans et demi (je sais même plus) a contribué à faire de moi une enfant sans repère, aigrie et rebelle. Pendant les 13 années où tu n’as pas dérogé à tes devoirs, je recherchais à combler ton manque auprès de personnes qui ne me méritaient pas.  Je me suis cassée la figure, et je me réjouis de ça car ces expériences et d’autres facteurs ont contribué à ce qu’on se retrouve, la vie nous le devait bien.

Ta perte a été une dure épreuve papa. La mission que tu m’as confié était insupportable mais je l’ai fait. Entre taire mes larmes , me montrer forte pour consoler ta femme, soutenir ton fils et quand, et ne pas être prise en pitié par les autres, tu ne t’es sûrement pas étonné de me voir éclater en sanglots à chaque fois que je me retrouvais seule. Ta religion n’a permis à aucun de tes enfants de te voir. Un an après ton décès, ta femme et ta fille aînée se sont rendues chez toi pour honorer ta mémoire. Tu m’excuses de ne pas l’avoir fait avec elles, mais j’ai jugé que j’avais fait ma part de ton vivant, et peut-être qu’intérieurement je n’étais et ne suis pas encore prête à retourner dans les endroits où toi et moi nous  nous promenions ; prête à revoir tes amis et entendre tout ce beau monde parler de l’homme au grand cœur que tu étais; tout cela ne te ramènera point.

Aujourd’hui tu as un nouveau petit fils qui est ton homonyme. Maman ne manque aucune occasion de nous raconter des anecdotes sur toi; si seulement tu étais là pour voir comment ses yeux brillent. Ton fils, mon grand frère , tu peux en être fier; c’est l’homme de la famille, il te remplace bien, voire mieux ; c’est un amour! Ta fille a perdu son premier enfant, ton premier petit fils qui t’as rejoint  dans l’au-delà.

Tu veux savoir ce que je deviens? Eh bien pour ce qui est des études et d’une profession, malgré le fait que je ne me suis pas encore décidée à faire un doctorat, tu peux te vanter de ta Miss Guinée. Pour ce qui est d’ordre sentimental, c’est méchant mais je ne ressens plus aucune empathie pour les gens quand ils perdent un proche, où quand la mort frappe. J’ai peur de m’attacher et je fais fuir ceux qui m’aiment réellement. Je te cherche dans chaque homme que je rencontre mais je te promets de faire un travail sur moi et de ne pas vivre dans ton ombre.

Il y a 3 ans j’ai perdu l’amour de ma vie, celui qui a fait un en amour avec ma mère pour que je vois le jour (même si au début tu n’as pas accepté la grossesse…Ahmed t’es un cas, lol). Ta famille a perdu un frère, un fils, un oncle, un neveu, un pépé si bon. Tes amis ont perdu leur ami qui était toujours là quand ils ont besoin. J’ai perdu un père avec qui j’avais encore beaucoup à vivre et partager.

J’envie mes potes qui ont encore leu père présent, et ça m’irrite quand je constate qu’ils n’apprécient pas ce cadeau. Ils ont tort de ne pas en profiter car nul ne sait ni l’heure, ni le jour où il partira, le mieux est de jouir de chaque minute.

Je suis la fille la plus heureuse du monde car toi et moi avons réglé nos différents, tu as été et restes mon amoureux, mon papa gâteau (en vrai tes westerns me manquent); et cette place personne ne pourra l’occuper.

Il y a 3 ans je te perdais et en cette date de décès-anniversaire, je pleure toujours comme une madeleine, oui la plaie est encore saignante. Je vis chaque jour avec ton manque, et mon seul regret est qu’on aient pas eu plus de temps pour profiter l’un de l’autre. Je te promets d’être heureuse et de faire toujours les choses bien, surtout de prendre soin du petit Ousmane, mon premier fils, le cadeau que tu m’as laissé avant de t’en aller.

Repose en paix mon cœur.

Ta fille qui t’aime plus que tout, ta Miss Guinée!

Je t’aime à jamais!

                                                                                                Safiatou Ahmed Y.

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4 comments
  1. On a perdu des gens un peu trop vite. Des personnes que nous n’oublirons jamais. Des êtres très chères qui ont laissé en nous des traces indélébiles.
    Comme nos absents nous manquent ! Ils nous manquent tous les jours . Ce repas partagé, cette musique écouté, cette boisson aimé. Ils ont laissé un grand vide. On s’en rappellera au jour de leurs anniversaires, les moments de joies, les mariages, les baptêmes, les fous rire, les colères. Ils nous manqueront tous les jours, mais nous, un peu moins, parce qu’ils sont toujours la. Parce que les morts ne sont pas morts.
    Force ????

    1. Oui mon grand, parce qu les morts ne sont pas morts. Ils sont tous prêts. Et pour le repos de leurs âmes, nous ne devons pas nous attrister, mais aller de l’avant. Merci 🙂

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